La peur du « Grand Remplacement » : le racisme anti-arabe en France contre les faits en 2019

Fabrice Houdart
6 min readAug 15, 2019

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L’été en France commence souvent par des plaintes prévisibles contre les impôts auxquelles se succèdent rapidement des plaintes contre les « arabes » pour lesquelles je suis bien moins patient.

Le racisme est une idéologie qui […] considère que certaines catégories de personnes sont intrinsèquement supérieures à d’autres. L’expression « racisme anti-Arabes » désigne les manifestations d’hostilité, de rejet et de haine s’exerçant à l’encontre d’individus collectivement — et improprement — désignés par le vocable « Arabes » (une ethnie à laquelle mon ancêtre Joseph Gadala, un pauvre janissaire Egyptien arrivé avec les troupes de Bonaparte à Marseilles en 1805 qui bénéficiera d’une pension de réfugié toute sa vie été assimilé — voir Ian Coller) qu’ils soient immigrés, étrangers ou Français.

Par exemple, l’opinion que j’ai entendue aujourd’hui que “les arabes en France sont mariés avec deux femmes et dix huit enfants” et qu’ils “profitent du système” exprimé afin de justifier la nécessité de maintenir les allocations familiales pour les familles blanches catholiques natives et aisées est raciste. Loin d’être une « opinion à respecter” ces commentaires sont un délit sous la loi Gayssot du 13 juillet 1990 qui énonce que « toute discrimination fondée sur l’appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion est interdite ». La discrimination est la distinction négative, l’isolement, la ségrégation d’un groupe de personnes par rapport à un ensemble plus large.

Ces commentaires se font aussi l’écho d’un des arguments erronés favoris des partisans du “grand remplacement” par les « arabes », popularisé par l’écrivain d’extrême droite Renaud Camus engagé dans le SIEL, parti satellite du Front National.

La polygamie en France est un phénomène marginal et avant tout d’origine sub-saharienne. Le journal Catholique La Croix mentionne que la polygamie en France est un phénomène “marginal et complexe” estimé a 10,000 familles qui concerne surtout les immigrés originaires de pays africains, en particulier le Mali, qui n’ont rien d’”arabes”. A titre de comparaison, en 2014, la France comptait 28,8 millions de familles.

La fécondité des immigrés d’origine Maghrébine est certes plus élevée que celle des Français natifs mais très loin du chiffre insensé de 18 enfants et a un impact marginal. Les immigrées originaires du Maghreb ont le taux de fécondité le plus élevé, avec environ 3,5 enfants par femme (voir référence ci-dessous) très loin des 18 enfants proclamés. En outre, quand les filles d’immigrées nées en France deviennent femmes, elles ont une fécondité similaire à celle des natives Françaises (1,9 enfants par femmes), constate la même étude de l’Ined. Au total, seuls 8% des immigrées maghrébines et sub-sahéliennes élèvent plus de quatre enfants. Cependant, le nombre d’immigrés d’origine Maghrébine ou musulmane dans l’Hexagone et leur rôle dans la natalité du Pays est surestimé. Ainsi, selon les Français interrogés par l’Institut Ispos Mori, il y aurait 31% de musulmans — qui ne sont bien sure pas tous des « Arabes » — alors que le chiffre tournerait davantage autour des 7,5%.

Si cette fécondité marginalement plus élevée des immigrés maghrébins ne représente pas un risque de « remplacement » des blancs natifs, elle pourrait devenir à terme une aubaine pour la France. En 2017, la France affichait le taux de fécondité le plus élevé de l’Union européenne, avec 1,9 enfant par femme, loin devant la moyenne de l’UE (1,6) et tout près du seuil de renouvellement des générations (2,1). Si la France est aux premiers rangs des taux de fécondité en Europe, cela ne vient pas tant de l’immigration que d’une fécondité élevée des natives a l’heure actuelle. Le renouvellement des générations est nécessaire afin de garantir la stabilité de l’économie dont le paiement des retraites (voir le cas du Japon — une population en forte décroissance). Une forte natalité serait une bonne nouvelle pour le système de retraite Français, dont le déficit devrait atteindre 25 milliards d’euros en 2020. Le pourcentage de musulmans en France pourrait ainsi monter a 12% en 2050 palliant potentiellement au déficit de natalité des autres Français.

L’idée que ces 7,5% de Français ou d’immigrés d’origines maghrébines profitent du système est erronée aussi. Selon le Secours Catholique, 31% des ménages français ou étrangers éligibles aux allocations familiales n’en touchent pas. Il y a également 40% de non-recours au Revenu de solidarité active (RSA) en 2016. Selon l’Observatoire des non-recours aux droits et services, pour le seul RSA, 5,3 milliards d’euros ne sont pas versés à des ayants droit. Le non-recours à la couverture maladie universelle complémentaire et à l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé représenterait 800 millions d’euros non versés. La part des étrangers non communautaires (c’est a dire non ressortissants d’un pays de l’Union Européenne) dans les bénéficiaires du RMI, puis du RSA, n’a pas varié, oscillant autour de 13 % des allocataires (à la fin de décembre 2015, on comptait en métropole 232 000 étrangers non communautaires parmi les 1 709 000 bénéficiaires du RSA socle).

Avant les Arabes, c’était les Italiens que les Français racistes stigmatisaient utilisant des termes similaires à la fin du XIXème siècle contre “la barbarie italienne” : “Le nombre des étrangers de toutes conditions qui vivent actuellement chez nous peut être évalué, sans crainte d’exagération, au chiffre de 1,8 millions, soit près de 5% de la population totale. […] Nous devons dire, pour la clarté même de la question qui passionne l’universalité des travailleurs français que, sur ces 1,8 millions d’individus établis chez nous, 60 000 à peine vivent de leurs revenus, c’est à dire nous apportent de l’argent. Les autres, plus de 1,7 millions, nous en prennent, tout en échappant à la plupart des charges qui pèsent sur nos nationaux. Dans certaines villes, à Marseille par exemple, la majeure partie des grandes usines ont éliminé de leur personnel jusqu’au dernier de nos nationaux […] L’envahissement des Italiens s’étend rapidement à toute la Provence. A Toulon le mal sévit avec autant de violence qu’à Marseille. […] Tous les rebuts des cinq parties du monde peuvent acquérir la qualité de citoyen français. Bien mieux, le législateur de 1889 a imposé la qualité de français à des gens auxquels jusque là le hasard d’une natalité française accordait simplement la faculté d’une option. Le résultat inévitable de cette loi a été que les naturalisations ont décuplé. […] Après avoir aidé les leurs à conquérir sur nous le travail qui faisait vivre les nôtres, les Italiens naturalisés français marchent dès maintenant à la conquête de l’Hôtel de Ville de Marseille […] La race française, fortement entamée dans cette ville, sera sûrement débordée avant peu, si l’on ne se décide à arrêter enfin la marée montante des naturalisations.” (extrait du pamphlet De l’envahissement des étrangers en France (1903)).

Les commentaires racistes contre les « arabes » rappellent aussi l’antisémitisme en France a travers les époques. Ainsi Blaise Pascal en 1871 écrivait : “chose étonnante…. de voir ce peuple juif subsister depuis tant d’années, de le voir toujours misérable; étant nécessaire pour la preuve de Jésus Christ et qu’il subsiste pour le prouver, et qu’il soit misérable puisqu’ils l’ont crucifié ». En 1939, dans « La France enchainée » proche de Maurras, on pouvait lire : « les Juifs ont conquis la France, morceau par morceau, lambeau par lambeau ; ils étaient mille, ils sont un million… Ils ont ruiné les habitants, les vrais. Ils ont tout pillé, tout pourri, tout détruit » .

Le risque pour les Français est d’isoler ce racisme anti-arabe de toutes les autres formes de haine contre les minorités que l’on observe depuis toujours: les Batwas au Congo, les Dalit en Inde, les Romas en Europe, les noirs américains aux USA. Que ce soit la couleur de la peau, l’origine ethnique, la religion, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, la haine et l’ oppression de celui qui est diffèrent ou plus vulnerable est malheureusement la plus vieille et banale histoire au monde. La solution est de continuer à opposer les faits au préjudice.

Sources :

- Ian Coller, Arab France. Islam and the Making of Modern Europe ;

- La Croix : « La Polygamie : phénomène marginal et complexe » https://www.la-croix.com/Actualite/France/La-polygamie-phenomene-marginal-et-complexe-_NG_-2010-04-27-603054;

- Rapport du Secours Catholique sur les pauvres en France de 2017: https://www.secours-catholique.org/sites/scinternet/modules/sc_custom/sc_prejuge_pauvres/rapport/Rapport_statistique_pauvrete_2017.pdf);

- L’histoire de l’immigration par Gérard Noiriel (Le creuset français. Histoire de l’immigration (XIXe-XXe siècle)).

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Written by Fabrice Houdart

Fabrice is on the Board of Outright Action International. Previously he was an officer at the UN Human Rights Office and World Bank

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